Le réveil d'Ethel (2)

Publié le par Ah, Frederic est fou

(lire l'épisode précédent)

Cela avait l’air de pilules tout à fait normales, dans une boîte en carton tout ce qu’il y avait de plus banal. Parfois, on met désespérément son cœur à se raccrocher au plus mince de tous les espoirs. Ethel savait que cette modeste petite boîte contenait certainement sa seule chance de salut, et, dans la cuisine trop petite, elle se saisit d’un verre quelconque, qui traînait dans l’évier, pour le remplir au robinet. Avant d’avaler son premier comprimé, un peu inquiète, elle respira un grand coup. Mouvement rapide du bras, un coup de glotte, et la précieuse médication était ingérée. Elle ferma les yeux quelques secondes, puis, doucement, en les ré-ouvrant avec précaution, elle eut la déception de constater que rien n’avait changé. L’évier était toujours aussi blanc, la fenêtre aussi étroite, le lino de la cuisine gondolait toujours. Pas plus d’une pilule par jour, hélas, avait dit le magicien. Pourtant, ce n’était visiblement pas suffisant. Ethel, accablée par la déception, se retira dans sa chambre, qui avait toujours des murs jaunes, pour s’allonger sur le lit, car la tête lui tournait. Sur le point de défaillir, elle s’écroula littéralement sur le matelas, qui tournoyait au milieu de la pièce. Les défauts du plafond dessinaient des stries de spirales concentriques qui semblaient vouloir l’hypnotiser. La porte du couloir, devant elle, dansait une curieuse gigue, et emporté par le mouvement, tout le mobilier de la chambre se mettait à faire des arabesques au rythme d’un boléro effréné. Ethel s’agrippait tant bien que mal, de chaque main, à la couette, tentant de ne pas se laisser emporter par cette tornade, mais l’accélération l’étourdissait à un point qu’elle sentait sa propre tête sur le point d’exploser. Elle venait d’ouvrir la bouche pour pousser un cri quand elle s’évanouit tout à fait.

 

 

Elle se réveilla dans un beau champ, qui n’était pas tout à fait le sien, mais qui avait des airs familiers. Elle avait dû atterrir un peu trop loin, en contrebas du ruisseau. Il n’y avait qu’à suivre les papillons pour remonter vers chez elle, le chemin ne serait pas bien long. Retrouvant peu à peu ses marques, sensation du vent dans les cheveux, caresse du soleil, elle se rappela qu’elle n’avait même pas prévenu le bureau pour justifier son absence, et, assise sur un joli champignon, elle composa le numéro de poste de Sophie. Son amie l’accueillit joyeusement, bien qu’en parlant avec une voix basse qui lui était inhabituelle : « Tu me rassures, comme je n’avais pas de nouvelles, j’avais peur qu’il te soit arrivé quelque chose. Pour le boulot, ne t’inquiètes pas, Monnier ne s’est rendu compte de rien, alors je n’ai rien dit du tout. Et ce n’est pas René qui dira quelque chose. Oui, on se voit demain, j’ai plein de choses à te raconter. Stéphane ne tarit pas d’éloge sur toi. » Ethel raccrocha le combiné en souriant, ces pilules étaient vraiment les pilules d’un très grand magicien.

(lire la suite)

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L
Ah, ben j'ai bien fait de venir fouiner par ici ... Tout s'arrange pour notre Ethel ! :) Bon, ben, un épisode pour demain alors ? :P
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A
<br /> Je n'arriverais pas à te suivre, Lin', question rythme ! Et puis, demain, sur mon agenda bloguesque, je me suis noté d'écrire la suite de l'Opéra assassin...