L'opéra assassin - ouverture (1)

Publié le par Ah, Frederic est fou

 

Je lis avec tristesse que certains de mes lecteurs n'ont jamais lu ce chef d'oeuvre de la littérature contemporaine qu'est le Da Vinci Code (...) Quelle grande perte pour l'Art !

Hommage au génie de ce futur Prix Nobel qu'est Dan Brown, je vais tenter, avec mes modestes moyens, de rédiger une histoire à feuilletons, dans l'esprit de Rocambole.

Voici donc le premier épisode de l'Opéra Assassin, qui j'espère succitera le même enthousiasme que celui qu'a justement connu mon illustre confrère Dan, et qui, à son instar, me permettra d'accéder rapidement à une fortune bien méritée (vu que je n'ai pas encore gagné à l'Euromilions).

 

Blanche, elle est blanche ; la foule des courtisans s’écarte sur son passage, les regards se détournent. Le chœur s’est tu. Maintenant, le solo de hautbois. La terreur est palpable. Elle va commencer sa grande scena ; le récitatif, l’aria, le fameux point d’orgue !

Quelques mois auparavant. « Cette année, pour l’ouverture de notre saison, j’ai pris une grande décision. Pour la première fois, et ce sera un événement mondial, nous allons créer Li amanti fatale. Le public est en droit d’entendre ce magnifique chef d’œuvre. »

A ces mots, un silence de stupéfaction envahit la salle du conseil. L’annonce de cet projet impossible avait en un instant pétrifié le collège des directeurs, administrateurs et autres actionnaires, et bouches bées, mains figés, regards écarquillés, ils composaient soudain un étrange tableau de mauvaises statues de cire. Depuis cent cinquante ans, aucun théâtre n’avait osé donner ce funeste opéra.

Si la scène est un lieu où les superstitions sont exacerbées, avec ses mots interdits, ses rites et ses croyances naïves, la scène d’opéra l’est encore plus ; à l’opéra, le succès est une chose mystérieuse qui réside dans une alchimie complexe, quasi-magique entre les chanteurs, les musiciens, la mise en scène, les décors et les costumes, une subtile potion où chaque ingrédient doit être dosé avec subtilité ; le moindre défaut peut mener l’ensemble à l’échec. Mais les craintes qu’inspiraient Li Amanti Fatale allaient bien au delà du simple folklore, elles étaient fondés sur une incroyable succession de faits, aussi étranges qu’effrayants.

Né dans une petite ville du sud de l’Italie, Pessano Bruscanti était d’origine modeste ; mais, très jeune, il avait eu la chance d’être repéré par le maître de chapelle local, Padre Fratellano, qui avait décelé chez l’enfant de grandes prédispositions musicales. Son père, petit commerçant, peinait à maintenir sa famille dans une demi misère. Pour lui, l’éducation des enfants était une chose futile, inutile et improductive. Mais Pessano avait la chance d’être le cadet d’une fratrie de six enfants, et ses parents n’avaient projeté aucune situation pour lui. L’intérêt que portait l’abbé à l’enfant était donc inespéré, et les Bruscanti cédèrent bien volontiers à ce protecteur providentiel la charge de l’éduction de leur fils. Solfège, étude du piano, puis du violon, art de la composition, du contrepoint, le Padre offrit à son élève toute l’étendue de son savoir, et, quand il n’eut plus rien à lui apprendre, décida de payer ses études à l’Académie de Musique où il avait été reçu brillamment. Loin de sa province, Pessano découvrit le monde artistique, et, dans cette Italie qui vivait et vibrait toute entière par la musique, fit d’heureuses rencontres, jeunes compositeurs, grands interprètes, maestros reconnus. Il connu enfin l'instant de grâce qui allait bouleverser son existence. Après avoir battu le pavé de longues heures durant pour gagner sa place à bas prix au Paradis de l’Opéra, il entendit pour la première fois celle que l’Europe entière adulait, la grande Malibran, qui chantait Desdémone dans l’Otello de Rossini. Cette soirée éblouissante le révéla à lui même – touché par la grâce, il comprit que la musique allait au delà de tous les autres arts, et, atteignant l’ultime passion, vibrant comme il n’avait jamais vibré, il sut. La musique allait devenir sa seule raison de vivre, sa plus belle maîtresse, et il lui vouerait ses nuits et ses jours, tâcherait patiemment d’élever sa maîtrise jusqu’aux sublimes emportements de sensations et de splendeur qu’il venait de découvrir ; il ne serait plus élève, ni artisan, ni artiste, même, mais serviteur de la beauté suprême, de cette voix qui pour lui apparaissait soudain comme l’essence même du divin. Et avec une soif dévorante, une rage passionnée, il composait. La journée durant, il créait de petites pièces, sonates, divertimenti, concerti, qui payaient son ordinaire, des œuvres de circonstances, des commandes. Outre ces travaux, il donnait des cours de musique, de piano, à de riches élèves. Mais la nuit venue, il revenait à son œuvre, son ambition, son projet absolu, personnel, et c’était évidemment un opéra. Pas n’importe lequel. L’opéra qui allait réinventer l’opéra, une œuvre magistrale, gigantesque, unique, quelque chose que l’on n’avait jamais vu ni entendu, qui irait au delà de l’humain.

Bruscanti composait, dans le secret de sa chambre. Il composait Li Amanti Fatale. Il y consacrait toute son énergie, à tel point que cette occupation finit par devenir exclusive. Ainsi, quand sa réputation d’excellent musicien vint à grandir, alimentée par ses petites œuvres de commandes, qu’elle atteint des personnages influents, et qu’enfin on lui fit de vraies propositions, des commandes de théâtre dont tout jeune compositeur aurait rêvé, il les refusa. Il refusa d’écrire pour Naples et pour Milan. Evidemment, ces grands commanditaires prirent la mouche, la nouvelle circula, et bientôt, on ne lui proposa plus rien. Plus même de petites compositions alimentaires. Pessano finit par s’enfermer dans sa chambre, se murer dans sa musique, à noircir feuillet après feuillet, retouchant à l’infini chaque portée, dans le désir d’une perfection inaccessible et qui allait le dévorer. Même ses voisins l’avaient oublié, et c’est après plusieurs jours qu’on le découvrit mort, à sa table de travail, couché sur la partition de Li Amanti Fatale. Il avait consacré à son œuvre plus de dix ans.

La société s’émut de cette histoire ; dans le romantisme naissant,  le drame d’un jeune musicien mort d’épuisement en composant son œuvre fit le tour des salons, les journaux s’en emparèrent, et une grande foule assista à l’enterrement de l’inconnu que la mort avait rendue célèbre. Bientôt, on réclama d’entendre la fameuse partition, et la curiosité semblait telle que, quelque soit la qualité de cette musique, le théâtre qui la monterait ne prendrait aucun risque. Filippini, directeur avisé, l’avait bien compris, et proposa à la famille de créer Li Amanti Fatale, annonçant la nouvelle à grand renfort de publicité.

La Rubella fut choisit pour le rôle titre, Tribaldo devaient être Gaspar, et Manconni chanterait Osvaldo, enfin, le grand Rubini serait au pupitre ; pour cette création posthume, l’opéra avait réuni une des plus belles distributions que l’on puisse imaginer à l’époque. Avec cette pléiade de stars, un public presque conquit d’avance, le succès était garanti. Malheureusement, dès les répétitions, les événements prirent une tournure néfaste.

 

(la suite peut se lire ici)

Publié dans L'opéra assassin

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L
Lire la scène précédente...Lire la scène précédente...Lire la scène précédente...Lire la scène précédente...Chut !Désolé, je suis arrivé en retard. Alors ça parle de quoi ?Chuuut !Bon je vais lire alors...
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F
Si le succès est au rendez-vous, il y aura certainement des rappels, voire - ce serait une folie - une seconde représentation !
L
J'allais dire la même chose que dans le commentaire précédent. J'ai pas été super emballé par le Da Vinci Code.<br /> En tout cas ce que tu as écrit est très bien, j'attends la suite avec impatience.
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E
j'ai hate de lire la suite...<br /> <br /> ja'ime bien ton style...par contre je n'ai point aimé Dan Brown!!!! (si tu veux on en reparlera..)
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A
Merci de tes encouragements. Pour Dan Brown... en fait, c'était du second degré (je dis très souvent beaucoup de bêtises !!)
E
C'est bon, ça a marché !<br /> Sauf que je l'ai mis dans mon texte libre : " Bienvenue " parce que je n'ai plus de modules " texte libre" dispo !<br /> Merci beaucoup pour tes explications !<br /> Je reviens te voir ultérieurement.<br /> Emma
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E
Merci Frédéric,<br /> J'essaie et je te tiens au courant !
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